Claude Bochu, un ambassadeur pas comme les autres à Bujumbura

Il ne tarit pas d'éloges face au nouveau Président burundais, Evariste Ndayishimiye qui lui en sait gré, cela va sans dire. Et pour cause. Lors de la commémoration du 60ème anniversaire de l'indépendance du Burundi en juillet dernier, Ndayishimiye lui a décerné un certificat d'honneur estampillé « Décernement de l'ordre de l'amitié des peuples » avec ce message combien élogieux :« Nous soussigné, Evariste Ndayishimiye, Président de la République du Burundi et Grand Chancelier des ordres nationaux décernons, à la classe de commandeur et à titre exceptionnel...»

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Burundi Daily
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16.12.2022
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Diplomatie

Après plusieurs années d'isolement et d'innommables violations des droits de l'homme sur fond d'une indignation tous azimuts de la communauté internationale, le Burundi a brusquement changé de look au lendemain de l'arrivée à Bujumbura de l'Ambassadeur Claude Bochu, nouveau délégué de l'Union Européenne.

Armé de son constant sourire narquois, ce diplomate a atterri à Bujumbura en octobre 2019 avec casquette d'Ambassadeur et Chef de la Délégation de l'Union Européenne au Burundi. Il se présente lui-même comme ayant une double face de juriste et de journaliste.

Un regard rétrospectif sur sa trajectoire professionnelle montre qu'il est entré à la Commission européenne en 1991 avant de rejoindre en 2002 la Direction générale pour les relations extérieures. Il devient diplomate en 2006 et a successivement occupé des fonctions  au Cameroun , à la Barbade et au Congo-Brazzaville.  Il a également travaillé au sein de la direction générale Afrique du service européen d'action extérieure.

Le voilà donc à Bujumbura depuis trois ans à peine. Bien qu'il assiste au même film d'horreur sur le terrain des droits de l'homme au Burundi, Claude Bochu en a une lecture étrangement différente de celle des autres et ne s'en cache pas.

Il ne tarit pas d'éloges face au nouveau Président burundais, Evariste Ndayishimiye qui lui en sait gré, cela va sans dire. Et pour cause. Lors de la commémoration du 60ème anniversaire de l'indépendance du Burundi en juillet dernier, Ndayishimiye lui a décerné un certificat d'honneur estampillé « Décernement de l'ordre de l'amitié des peuples » avec ce message combien élogieux :

« Nous soussigné, Evariste Ndayishimiye, Président de la République du Burundi et Grand Chancelier des ordres nationaux décernons, à la classe de commandeur et à titre exceptionnel, Monsieur l'ambassadeur délégué de l'Union européenne Claude Bochu ».

Pour le chef de l'Etat burundais, Claude Bochu est sans doute un diplomate à chérir. Car dès son arrivée au Burundi, il a fermé les yeux sur le spectacle ahurissant de violations des droits humains en cours. A la grande surprise des militants des droits de l'homme, y compris occidentaux, il a plutôt bataillé ferme pour obtenir la levée des sanctions européennes qui pesaient sur le Burundi depuis mars 2016. Sa lutte acharnée s'est avérée payante : les sanctions ont été levées en février dernier. Pourtant, en dépit de l'avènement d'un nouveau président, le chaos est toujours ambiant au Burundi. La situation n'a changé d'un iota. La gangrène de la corruption va en se métastasant, le tableau des droits de l'homme est plus sombre que jamais, l'impunité est la règle de jeu, les cas d'assassinats ou d'arrestations arbitraires sont légion, etc.

LIRE AUSSI: L'architecte du rapprochement entre Washington et Gitega: Comment J.Peter Pham a orchestré le retour de Gitega dans les bonnes grâces de Washington

Selon des observateurs, l'unique changement visible est que le régime CNDD-FDD a cessé de s'en prendre publiquement au "colon".  Dans ces conditions, l'Ambassadeur Bochu aurait-il préféré négocier l'arrêt de ces joutes injurieuses contre l'UE en échange de son silence sur les vagues de violations des droits humains que ses prédécesseurs n'arrêtaient de décrier?

Bien d'autres observateurs le compare à un autre diplomate: Peter J Pham. Dans un article paru sur notre site, on expliquait comment cet ancien envoyé de la Maison Blanche dans la région des grands lacs avait magistralement orchestré le rapprochement entre Washington et Gitega. 

Pour réussir l'opération d'une volte-face diplomatique des Etats Unis vis à vis du Burundi, Peter Pham avait su exploiter savamment la latitude que Mike Pompeo, l'ancien secrétaire d'Etat Américain lui avait laissée sur le Burundi. Comme Bochu, ce dernier est devenu un ami très proche du régime de Gitega. Bien qu'il ne soit plus impliqué dans les affaires diplomatiques qui touchent la région des grands lacs, Peter Pham est souvent vu au Burundi où il séjourne souvent sur invitation du régime de Gitega. Pour mieux exploiter ces liaisons avec le régime de Gitega, ce diplomate américain était devenu administrateur non exécutif de Rainbow Rare Earths, une société minière cotée à Londres qui jusque récemment exploitait des minéraux de terres rares à Gakara, au Burundi. 

Qui sait, peut-être que Claude Bochu est entrain de se positionner pour exploiter son influence après son affectation diplomatique au Burundi. 

Sans doute que tout finira par se savoir.

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