En plein divorce avec Kabila, Félix Tshisekedi craint d'être pris à revers par une défaite de Trump
Ayant resserré ses liens avec l'administration Trump dans l'espoir de s'émanciper de la tutelle de Joseph Kabila, Félix Tshisekedi s'inquiète de voir le président américain donné perdant dans les sondages. La potentielle victoire de Joe Biden donne des ailes au camp de l'ex-président congolais.
Publié le 27 octobre, le sondage de la chaîne américaine CNBC a suscité un véritable vent de panique au palais de la Nation de Kinshasa. Confirmant les tendances constatées depuis plusieurs semaines, l'enquête, réalisée en partenariat avec le Wall Street Journal, fait état d'une large avance (+11 points) du candidat démocrate Joe Biden sur son rival Donald Trump. Ayant tout misé sur l'administration Trump pour s'affranchir de son prédécesseur Joseph Kabila, Félix Tshisekedi craint d'être acculé, en cas de défaite de l'actuel pensionnaire de la Maison blanche. Et ce d'autant plus que la coalition que forme son parti, l'Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS), avec le Front commun pour le Congo (FCC) de Kabila depuis 2019 est au bord de la rupture.
Lobbying
Depuis son arrivée au pouvoir au début de l'année 2019, Tshisekedi n'a pas lésiné pour obtenir les bons offices de l'administration Trump. Il a notamment accumulé les contrats avec des cabinets d'influence bien introduits auprès du président républicain, à l'instar d'Avenue Strategies, dirigé par deux ex-collaborateurs de Donald Trump, Barry Bennett et Corey Lewandowski .
Parallèlement au lobbying actif mené à Washington, le président congolais a multiplié les gages envers l'administration Trump. Il a ainsi été le tout premier dirigeant africain - et l'un des premiers au monde - à soutenir le plan de paix pour le Moyen-Orient largement mis sur pied par le gendre du président américain Jared Kushner, allant jusqu'à annoncer l'ouverture d'une antenne diplomatique à Jérusalem, sacrée capitale d'Israël par le plan américain . Ces efforts n'ont été récompensés que du bout des lèvres : si Tshisekedi a obtenu un durcissement des sanctions américaines contre le diamantaire Dan Gertler, soutien fidèle de Kabila, et un programme de prêt inespéré du Fonds monétaire international (FMI), il n'a jamais eu l'entrevue à la Maison blanche dont il rêvait avec le président américain.
Soutien des conseillers de Trump
Malgré ces déconvenues, Tshisekedi n'a pas varié dans son soutien à l'administration Trump. Il a ainsi limogé plusieurs sécurocrates nommés par son prédécesseur et visés par des sanctions américaines, comme l'ancien patron du renseignement militaire Delphin Kahimbi, celui de l'Agence nationale de renseignement (ANR) Kalev Mutond, ou encore le puissant général John Numbi.
Si ces initiatives ont suscité l'ire des "kabilistes", elles ont permis au président congolais de s'attirer les bonnes grâces du secrétaire d'Etat adjoint aux affaires africaines, Tibor Nagy, ainsi que de l'ancien envoyé spécial pour les Grands Lacs, J. Peter Pham. Deux figures clés dans l'appareil diplomatique américain en Afrique, mais qui devront quitter leur poste en cas de victoire de Joe Biden. Le candidat démocrate s'appuie d'ores et déjà sur sa propre "équipe Afrique", qui compte notamment dans ses rangs deux anciennes ambassadrices : Robin Sanders et Michelle Gavin.
Le FCC de Kabila déjà en embuscade en cas de victoire de Biden
Le camp kabiliste, dont les relations avec l'administration Trump sont glaciales, voit dans la possible défaite du candidat républicain une occasion inespérée de renouer avec Washington après des années de disgrâce, et ce même s'il est très peu probable que l'équipe Afrique de Biden, pour partie issue d'organisations de défense des droits de l'homme, se jette dans les bras de l'ancien président congolais et de ses partisans.
Espérant une volte-face américaine sur le dossier congolais, la puissante présidente de l'Assemblée nationale et figure de proue du FCC, Jeannine Mabunda, a d'ores et déjà prévu de se déplacer à Washington avant la fin de l'année. En août, l'ancienne ministre de Joseph Kabila - dont le conseiller diplomatique est Michael Sakombi - s'est notamment engagée jusqu'au 31 décembre avec le cabinet américain de lobbying Greystone Global Strategies, dirigé par Chris Beatty.