Alors que le M23 avance vers le Sud-Kivu, Ndayishimiye panique et s'en prend au Rwanda (première partie)

es inquiétudes de Ndayishimiye ne sont pas infondées. Le groupe rebelle M23, qui a subi des pertes aux mains des forces burundaises dans le Nord-Kivu, pourrait très bien chercher à se venger maintenant qu'il a le dessus. Bien que le M23 ait annoncé un cessez-le-feu qu'il s'était imposé le 3 février et qu'il ait publiquement nié toute intention d'avancer vers Bukavu, il existe des croyances répandues – renforcées par des allégations de soutien rwandais – qu'ils prévoient de s'emparer de Bukavu. Cette menace imminente a déclenché une vague d'anxiété à Bujumbura.

Par
on
17.2.2025
Categorie:
Opinion

Après leur capture stratégique de Goma, qui est reconnue comme la plus grande ville de la région du Kivu en République démocratique du Congo (RDC), les rebelles du M23 auraient déplacé leur attention vers le Sud-Kivu. Ce développement a suscité une vive inquiétude au sein de la présidence burundaise, notamment en ce qui concerne la possibilité d'une offensive militaire visant Bukavu, la capitale du Sud-Kivu.

La situation est encore compliquée suite à  l'alignement récent du Burundi sur le régime de Kinshasa, ce qui a conduit le pays à s'investir profondément dans le conflit armé en RDC.

Dans le but de renforcer les Forces armées de la République démocratique du Congo (FARDC), peu disciplinées et souvent opposées au combat, le Burundi aurait déployé environ 10 000 soldats en RDC. Cette assistance militaire n'est pas seulement une démonstration de solidarité, mais elle est également liée aux besoins économiques criants du Burundi, car le pays est aux prises avec une grave pénurie de devises étrangères depuis quatre ans, ce qui fait de ce soutien une opportunité  stratégique pour engranger  des ressources financières indispensables.

LIRE LA DEUXIEME PARTIE ICI: Alors que le M23 avance vers le Sud-Kivu, Ndayishimiye panique et s'en prend au Rwanda

Dans la période qui a précédé la chute de Goma, les soldats burundais stationnés en RDC ont subi une défaite cuisante lorsqu'ils ont été chassés de force de leurs positions par l'avancée des rebelles du M23, ce qui a occasionné  d'importantes pertes dans les rangs burundais. Cette perte représente non seulement un coup porté au moral des militaires, mais met également en évidence la situation précaire du gouvernement burundais. La perte potentielle de devises étrangères, associée à la diminution de l'accès aux riches ressources minières de la RDC, constitue une grave menace pour la stabilité et la viabilité économique du régime Gitega. La possibilité imminente d'un affrontement direct avec les rebelles du M23 au Sud-Kivu, ainsi que le risque que d'autres groupes armés opposés au gouvernement Gitega puissent se joindre à la mêlée, suscitent un sentiment palpable de peur et d'urgence au sein des autorités au pouvoir à Gitega. Le spectre d'une escalade du conflit pourrait avoir des répercussions désastreuses, non seulement pour le Burundi mais pour toute la région, car l'instabilité dans un pays se propage souvent aux territoires voisins.

Depuis la chute de Goma, le président Evariste Ndayishimiye est monté sur la scène publique pour exprimer ses préoccupations, accusant explicitement Kigali de nourrir de mauvaises intentions contre le Burundi. Il a affirmé que le Rwanda « prépare quelque chose » qui pourrait être préjudiciable aux intérêts burundais, bien qu'il mentionne rarement directement les rebelles du M23. Au lieu de cela, sa rhétorique a tendance à se concentrer sur le Rwanda en tant que principal antagoniste, reflétant un récit plus large des tensions régionales qui a caractérisé la politique étrangère du Burundi ces dernières années. Ce rejet de la responsabilité sert non seulement à rallier le soutien national contre un ennemi extérieur, mais détourne également l'attention des défis internes auxquels est confronté le régime de Gitega. Au fur et à mesure que la situation évolue, la dynamique entre ces pays sera cruciale pour déterminer la stabilité future de la région, le potentiel de conflit et la nécessité d'un engagement diplomatique devenant de plus en plus pressants.

Des faux pas stratégiques aux répercussions importantes

En tant que président de la Communauté d'Afrique de l'Est (CAE), Ndayishimiye a joué un rôle crucial dans la lutte contre le conflit en cours dans l'est de la République démocratique du Congo (RDC). Alors qu'il présidait la CAE, d'importants efforts diplomatiques visant à favoriser la stabilité dans une région longtemps en proie à la violence et à l'instabilité ont été déployés. Un accord crucial a émergé de ces discussions, qui ont impliqué le déploiement de troupes de maintien de la paix de divers États membres de la CAE, à l'exclusion notamment du Rwanda, un pays qui entretient des relations complexes et souvent conflictuelles avec le Burundi et la RDC. Cette mission de maintien de la paix a ensuite été mise en œuvre, son commandement étant confié à un général du Kenya, une décision qui, à l'époque, soulignait l'esprit de collaboration entre certains pays de la CAE face aux troubles régionaux.

Cependant, la situation a pris un tournant brutal lorsque Ndayishimiye et le président de la RDC, Félix Tshisekedi, qui avaient initialement adhéré à cet effort de la CAE, ont commencé à travailler en tandem pour saper les efforts de maintien de la paix qu'ils avaient précédemment approuvés. Ce changement inattendu a abouti à une demande officielle de la RDC pour le retrait de toutes les troupes étrangères stationnées à l'intérieur de ses frontières. Fait surprenant, alors que la plupart des pays se sont conformés à cette demande et ont retiré leurs forces, le Burundi a maintenu sa présence militaire. Les troupes burundaises ont par la suite été intégrées dans les Forces armées de la République démocratique du Congo (FARDC), ce qui a donné lieu à une série de résultats mitigés qui ont encore compliqué la situation déjà explosive. Suite à cela, un accord bilatéral a été conclu entre le Burundi et la RDC, visant à faire face à ce que les deux pays percevaient comme des actions agressives de la part du Rwanda, mettant en évidence le réseau complexe de politiques et d'alliances régionales.

Les spéculations abondent concernant les motivations de Ndayishimiye derrière ces choix. Était-il principalement motivé par l'attrait des devises étrangères et des concessions minières lucratives, ou son animosité envers le Rwanda a-t-elle été le principal catalyseur de ses actions ? La vérité reste ambiguë, mais il est plausible qu'il ait cherché à atteindre un double objectif : obtenir une compensation financière pour son aide à Tshisekedi dans ses relations avec le groupe rebelle M23 tout en sapant son voisin du nord. Cette double approche a conduit certains analystes à qualifier ses actions de l'une de ses plus importantes erreurs stratégiques. Il est suggéré que Ndayishimiye aurait dû proposer un plan pour sécuriser la région du Sud-Kivu pour Kinshasa en échange de précieuses concessions minières et de paiements financiers réguliers, allant peut-être même jusqu'à déployer secrètement des troupes dans le Nord-Kivu pour aider les FARDC tout en prétendant opérer uniquement dans le Sud-Kivu. Les motivations de cette erreur de calcul stratégique – qu'elles résultent d'une surestimation de ses capacités ou de pressions extérieures exercées par Kinshasa – restent des sujets de débat. Ceux qui connaissent bien Ndayishimiye suggèrent qu'il a peut-être succombé à une combinaison d'orgueil et d'influences coercitives de la RDC.

D'un point de vue stratégique, le Burundi avait une occasion unique de capitaliser sur l'approbation tacite de Kinshasa pour déployer un contingent important de ses soldats aguerris pour se concentrer sur la sécurisation de la région du Sud-Kivu. Cela aurait pu impliquer des efforts pour contenir et neutraliser des groupes tels que RED-TABARA, qui ont historiquement représenté une menace pour la stabilité régionale, tout en renforçant simultanément les défenses contre les avancées vers le sud du groupe rebelle M23. Au lieu de cela, dans un geste que beaucoup ont considéré comme une provocation, Ndayishimiye a choisi de positionner ses forces militaires le long de la frontière entre la RDC et le Rwanda, dans le nord du Kivu. Cette décision, interprétée par le Rwanda comme une manœuvre agressive, a considérablement accru les tensions entre les deux pays et suscité des inquiétudes quant à une éventuelle escalade des hostilités.

Ces derniers temps, les déclarations publiques de Ndayishimiye ont été interprétées par certains observateurs comme une forme de reconnaissance ou de regret concernant ses erreurs stratégiques, en particulier en ce qui concerne le Rwanda. S'il est vrai que le Burundi et le Rwanda nourrissent des griefs légitimes l'un contre l'autre, ce dernier a adopté une approche plus mesurée et stratégiquement judicieuse face aux événements qui se déroulent. Un exemple éloquent s'est produit en janvier 2024, lorsque le Burundi a fermé ses frontières avec le Rwanda pour la deuxième fois depuis 2015. En réponse, le gouvernement rwandais a publié une remarque sardonique, soulignant qu'il avait maintenu ses frontières ouvertes, un commentaire qui souligne les tensions persistantes et la nature souvent tendue des relations bilatérales.

Les inquiétudes de Ndayishimiye ne sont pas infondées. Le groupe rebelle M23, qui a subi des pertes aux mains des forces burundaises dans le Nord-Kivu, pourrait très bien chercher à se venger maintenant qu'il a le dessus. Bien que le M23 ait annoncé un cessez-le-feu qu'il s'était imposé le 3 février et qu'il ait publiquement nié toute intention d'avancer vers Bukavu, il existe des croyances répandues – renforcées par des allégations de soutien rwandais – qu'ils prévoient de s'emparer de Bukavu. Cette menace imminente a déclenché une vague d'anxiété  à Bujumbura, incitant le président Ndayishimiye à s'en prendre bruyamment au Rwanda pour tenter de rallier des soutiens et d'affirmer sa position. Un exemple particulièrement notable de cette panique a été mis en évidence lors d'un discours prononcé devant des diplomates à Bujumbura lors d'une célébration diplomatique du Nouvel An, où il s'est notamment écarté de ses remarques préparées pour accuser directement le Rwanda de nourrir de mauvaises intentions de lancer une attaque contre le Burundi. Cet incident reflète non seulement les tensions accrues dans la région, mais illustre également la nature précaire de la position stratégique de Ndayishimiye et son apparente incompréhension de l'interaction complexe de la politique régionale.

CONTINUER AVEC LA DEUXIME PARTIE: Alors que le M23 avance vers le Sud-Kivu, Ndayishimiye panique et s'en prend au Rwanda

Tags: