Le 18 octobre 1965 : Première Tentative de Renversement des Institutions Monarchiques et Début des Conflits Inter-Ethniques au Burundi
Tout a commencé le 1er juillet 1965, lors du troisième anniversaire de l`indépendance du Burundi. En l'absence du roi Mwambutsa et du Premier Ministre, Gervais Nyangoma, alors Directeur Général auprès du Premier Ministre, prononça le discours de circonstance. Dans son discours, Nyangoma exprima trois positions sur la vie du pays : sa position par rapport à l’avènement de l’indépendance, ses considérations sur le gouvernement monarchique et ses perspectives d’avenir.
C`est cette nuit du 18 au 19 octobre 1965, qu`un groupe de militaires Hutu de l`armée et de la gendarmerie organisa une tentative de renversement des institutions monarchiques et visait à renverser le Roi Mwambutsa IV Bangiricenge, à l`instar de ce qui s`était passé, 6 ans plus tôt, au Rwanda, avec la soi-disant « Révolution de 1959 », qui avait renversé la monarchie et occasionné des massacres et un exode massif de Tutsi. La tentative de coup d`Etat échoua, le roi parvint à fuir, et le Premier Ministre fut blessé. Il s`ensuivit des massacres de centaines de Tutsi dans les communes de Bukeye et Busangana, en Province de Muramvya. Les auteurs de la tentative de coup d`Etat furent exécutés sur la place publique, d`autres, emprisonnés. C`était le début des violences inter-ethniques entre les Hutu et les Tutsi qui marquent le Burundi depuis 55 ans.
Tout a commencé le 1er juillet 1965, lors du troisième anniversaire de l`indépendance du Burundi. En l'absence du roi Mwambutsa et du Premier Ministre, Gervais Nyangoma, alors Directeur Général auprès du Premier Ministre, prononça le discours de circonstance. Dans son discours, Nyangoma exprima trois positions sur la vie du pays : sa position par rapport à l’avènement de l’indépendance, ses considérations sur le gouvernement monarchique et ses perspectives d’avenir.
Concernant l’indépendance du Burundi, Gervais Nyangoma stigmatisa l’immaturité des dirigeants burundais, et par conséquent, de ceux qui prônaient l`indépendance immédiate. Il assimila le départ des colonisateurs au départ des techniciens à la fois consommateurs et fournisseurs, sans remplacement. Il souligna la dépendance économique et politique. Les Burundais n’étaient pas en mesure de remplacer le colonisateur dans l’organisation du pays. Cette dépendance nationale se situait sur le plan des échanges commerciaux où le Burundi vendait et achetait à un seul et même client-fournisseur. Il y avait donc encore à faire comme la formation d’un corps d’instruits pour réussir l’implantation d’une politique démocratique calquée sur le modèle européen, mais aussi pour instaurer un système d’échange de nature à créer des relations économiques équilibrées avec l’extérieur.
Gervais Nyangoma prôna une révolution au Burundi à l’image du pays voisin, le Rwanda, qui était parvenu à instaurer une réelle démocratie. Par conséquent, il adressa à la population burundaise une triple invitation pour : former un nouveau parti, définir une nouvelle économie et un nouvel Etat.
Pour lui donc, l’avènement de l’indépendance aurait créé une situation, d’abord inquiétante, ensuite désespérante et enfin lamentable. Raison pour laquelle il invitait le peuple pour un changement bénéfique au développement du pays.
Cérémonies de la fête de l'indépendance du Royaume du Burundi rehaussées par le Roi Mwambutsa et son fils le Prince Charles Ndizeye
Quant à ses perspectives d’avenir, il prôna la démocratie majoritaire. En effet, pour lui, une minorité avait accaparé le pouvoir. Entendez, par-là, la minorité Tutsi. Autrement dit, la monarchie devait partir et laisser la place à un État nouveau où le gouvernement exécuterait la volonté de la majorité.
Avec une violence extrême, il critiqua donc la "dégradation des institutions politiques", la confiscation, par une "minorité intrigante", des postes-clés de l'État et la "détérioration rapide, depuis trois ans, de la situation économique du pays". Il définit, dans la foulée, une nouvelle devise : « un nouveau parti, une nouvelle économie, un nouvel Etat ». Partisan d’une démocratie réussie, il prôna un «Etat où la majorité impose sa loi sur la minorité». Dans son discours, Gervais Nyangoma n’avait pas l’intention de commémorer le 3ème anniversaire de l’indépendance du Burundi, mais plutôt de se saisir de l’occasion pour faire le bilan négatif de l’avènement de l’indépendance au Burundi, et inviter le peuple burundais à penser à une révolution contre la monarchie constitutionnelle et la minorité Tutsi, pour installer une démocratie de la majorité Hutu. Son idée était partagée par beaucoup d’autres instruits et citoyens Hutu. Le roi, effrayé par la déclaration de Nyangoma, rentra immédiatement au pays.
Les élections législatives de mai 1965, les premières depuis l`indépendance, eurent lieu dans une atmosphère de fortes tensions ethniques. Ces élections se soldèrent par la victoire de l`UPRONA, qui obtint 21 sièges, contre 10 au Parti du Peuple, mais dans l`ensemble, les Hutu étaient majoritaires. Le Parti du Peuple présenta Gervais Nyangoma au roi Mwambutsa comme candidat Premier Ministre. Le roi, dans un contexte de tensions ethniques, non seulement, n`accepta pas cette candidature de Nyangoma, il révoqua d`abord le Premier Ministre Hutu, Joseph BAMINA, et nomma, en septembre 1965, Léopold BIHA, à la fois membre de la famille royale et Secrétaire Privé du Roi, mais surtout hostile à l`UPRONA, comme Premier Ministre. Ce dernier constitua un gouvernement de 11 ministres, dont 7 Hutu. L'arrivée au pouvoir de BIHA en tant que Premier Ministre provoqua des dissensions entre les Hutus et la monarchie.
La révolution proposée par Nyangoma fut finalement tentée dans la nuit du 18 au 19 octobre 1965, trois mois et demi après son discours. Un petit groupe de Hutus, venus de l'armée et de la gendarmerie marcha sur le palais royal. Le coup d'État fut déjoué par les troupes menées par un officier, le Capitaine Michel Micombero. Cette tentative provoqua d'immédiates tensions qualifiées d'« ethniques » dans tout le pays. Des centaines de Tutsi, dans les communes de Bukeye et Busangana, en Province de Muramvya, furent tués. Le Roi Mwambutsa quitta le pays, mais l`armée, sous la conduite du Capitaine Micombero, parvint à maitriser l`insurrection.
La répression de l`armée fut sévère, des parlementaires et des officiers Hutu furent tués. Les auteurs présumés de cette tentative de coup d`Etat furent exécutés, dont Gervais Nyangoma, Parlementaire, Emile Bucumi, Président de l`Assemblée Nationale, Paul Mirerekano, Premier Vice-Président, Ntimpirangeza, Président du Parti du Peuple, Pierre Burarame, Ministre de l`Economie, ainsi que 5 autres leaders Hutu, qui furent fusillés sur le gazon vert du stade Rwagasore, en plein cœur de Bujumbura. Le 16 décembre 1965, d`autres soldats Hutus, impliqués dans le coup d'État, furent arrêtés et exécutés. Des Hutus présents dans la police et dans l'armée, qui n'avaient pris aucune part aux événements, furent aussi arrêtés et beaucoup furent également exécutés. Pierre Bamina, Président du Senat, fut également exécuté, dans la foulée. C`était le début de tensions entre les deux communautés ethniques, Hutu et Tutsi, autour de la possession du pouvoir. C`était également le début des cycles de violences inter-ethniques qui ont marqué le Burundi en 1972, en 1988, en 1993, et depuis 2015 à nos jours.
Jusqu`où s`arrêteront ils ? Dieu seul sait. C`est l`occasion pour les Burundais épris de paix de se rendre compte du gâchis dans lequel le Burundi est plongé depuis un demi-siècle, et surtout qu`ils constatent que le problème burundais ne réside pas entre les Hutu et les Tutsi, le problème burundais est un problème de gouvernance politique. Il y a des pays peuplés par des centaines de clans mais qui vivent paisiblement. Sur les collines, les Hutu, les Tutsi et les Twa partagent la même misère, la faim et les maladies, pendant que leurs dirigeants affichent des richesses, qui dépassent de loin la richesse nationale. Aux Burundais de réfléchir et tirer les conclusions qui s`imposent.