Conflit en RDC : Acculé de toutes parts, Evariste Ndayishimiye court dans tous les sens pour se désembourber.

Au-delà des risques évidents posés par le M23, Ndayishimiye est confronté à un autre problème qu'il a lui-même créé : la convergence d'hommes armés et désespérés sur son territoire. D'un côté, les FDRL, qui avaient construit une solide enclave au Nord-Kivu pour attaquer Kigali, ont fui la région depuis sa prise par le M23. Leur destination est bien sûr le Burundi, où leurs dirigeants avaient longtemps bénéficié d'un refuge confortable offert par le régime CNDD-FDD. De l'autre, des militaires et policiers congolais désorientés, affaiblis et dispersés.

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12.3.2025
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Diplomatie

Hier en Guinée Equatoriale, aujourd'hui en Serbie, le chef de l'Etat burundais Evariste Ndayishimiye ne fait plus mystère de son inquiétude face à la déferlante du M23 qui s'annonce déjà aux bords du lac Tanganyika et de façon inquiétante à la porte de son  palais.

Pour avoir pris fait et cause la défense de Kinshasa et de ses alliés Wazalendo et FDLR, il encaisse aussi leur défaite cuisante et s'en inquiète. C'est une conséquence directe de son implication dans une guerre qui n'avait que très peu à voir avec le Burundi. Il s'est lancé à corps perdu dans cette guerre politique interne, où des citoyens ont pris les armes pour combattre un gouvernement qu'ils accusent de discrimination, sans se préparer en conséquence. Il n'imaginait pas que son armée serait sévèrement battue et acculé.

Résultat, Evariste se cherche désespérément des alliés ou aides pour contrer l'imparable avancée du M23 qui vole de conquêtes en conquêtes depuis la lointaine prise de Bunagana jusqu'à celles de Goma, puis Bukavu très récemment. Mais le président burundais peine à trouver la main secourable, selon des sources. Le président Equato-Guinéen aurait refusé de l'aider.

C'est pourquoi il s'est rendu en Serbie ce lundi, en quête d'appuis en armes et technologie de guerre. La bataille de Goma, suivie des bombardements sur le district de Rubavu au Rwanda, lui a sans doute montré l'infériorité de l'équipement de son armée. S'appuyant sur les armes acquises par ses prédécesseurs dans les années 1980, 1990 et au début des années 2000, il a dû constater que le vieil équipement soviétique de son armée ne faisait pas le poids face à l'équipement moderne de son voisin du nord.

Il se raconte également que son armée, dans sa retraite précipitée face au feu du M23, aurait laissé derrière elle de lourdes batteries d'artillerie et d'importants stocks de munitions. Ces stocks sont alors épuisés et la nécessité de les reconstituer se fait fortement sentir.

Parallèlement et à la grande surprise de plus d'un, Evariste Ndayishimiye a tendu la main à Kigali en mendiant une ébauche de négociations afin de se ménager une voie de secours dans l'hypothèse plus que probable d'une percée du M23 jusqu'à Bujumbura.

Selon des sources concordantes, des délégués du Service national des renseignements, SNR, au Burundi et ceux venus du Rwanda se sont rencontrés pour échanger sur des voies et moyens de désamorcer la crispation des relations entre les deux capitales, le 10 mars 2025 au chef-lieu de la province de Kirundo.

Leur rencontre s'est déroulée dans un huis clos absolu, sous une haute protection de l'armée et de la police burundaises. Des sources proches de la présidence burundaise évoquent déjà une imminente réouverture des frontières avec le Rwanda. S'il est contraint de rouvrir les frontières sans que ses conditions initiales soient remplies - la remise des personnes accusées d'avoir fomenté un coup d'Etat contre son prédécesseur, feu Nkurunziza - ce sera un recul massif qui affaiblira son image de faucon parmi les franges les plus extrémistes de son parti.

Dans cette hypothèse, le président burundais aurait pris la mesure de la démesure de ses propos insensés et éhontés sur les velléités de Kigali qui, a-t-il dit, s'apprêterait à attaquer le Burundi. Le Président burundais a poussé son outrecuidance encore plus loin en déclarant que son armée ne fera des agresseurs rwandais que d'une bouchée.

« Rien qu'en deux heures, la guerre entre le Burundi et le Rwanda sera  terminée, à notre avantage évidemment », avait-il lancé depuis la province nordique de Kirundo. Le lendemain, il est revenu sur ses propos en annonçant sur son compte personnel X, le 16 février dernier,  qu'après « des échanges avec ses homologues de la région, ceux qui s'attendaient  à profiter de la guerre avec le Rwanda  seront déçus ».

Les initiatives en cours sont alors de nature à concrétiser les raisons de cette déception annoncée.

Au-delà des risques évidents posés par le M23, Ndayishimiye est confronté à un autre problème qu'il a lui-même créé : la convergence d'hommes armés et désespérés sur son territoire. D'un côté, les FDRL, qui avaient construit une solide enclave au Nord-Kivu pour attaquer Kigali, ont fui la région depuis sa prise par le M23. Leur destination est bien sûr le Burundi, où leurs dirigeants avaient longtemps bénéficié d'un refuge confortable offert par le régime CNDD-FDD. De l'autre, des militaires et policiers congolais désorientés, affaiblis et dispersés, fuyant l'avancée du M23, ont convergé vers le territoire burundais, en uniformes miltaires et policiers et armes en mains.

Ce cocktail toxique d'hommes armés et désespérés représente un danger accru que Ndayishimiye n'avait certainement pas anticipé. Les deux groupes pourraient potentiellement créer des problèmes au régime s'ils tentaient d'attaquer leurs pays respectifs depuis le Burundi. Le Burundi serait alors officiellement devenu une base arrière pour les ennemis du M23, qui contrôlent désormais la majeure partie du Sud-Kivu frontaliere avec le Burundi, et pour les FDRL, ennemis du Rwanda. Gitega serait alors exposé à des représailles venues des flancs nord et ouest.

Voici la situation peu enviable d'un homme qui a rendu une situation déjà difficile encore plus instable et qui se trouve désormais assis sur un tonneau miné qui pourrait exploser à tout moment.

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