Les dessous des relations troubles entre la RDC et le Rwanda: Les questions géostratégiques et géopolitiques

Internationalement, cette crise entre le Rwanda et l’Afrique du Sud pourra déterminer la position de la communauté internationale sur la rébellion du M23. La RDC avait déjà perdu une partie de son soutien en raison de sa décision de demander l’aide militaire de la Russie et l’implication des mercenaires roumains – une décision perçue avec suspicion par les diplomates occidentaux.

Par
Alex Mvuka
on
3.2.2025
Categorie:
Opinion
DEUXIÈME PARTIE

Les questions géostratégiques et géopolitiques

Dès le début de la crise du M23, plusieurs initiatives ont été mises en place pour tenter de trouver une solution par le biais des mécanismes régionaux. La Communauté des états de l’Afrique de l’Est (EAC) a été choisie pour jouer un rôle clé en mobilisant ses forces afin d’assurer la paix et de faciliter le dialogue entre Kinshasa et le M23. Par ailleurs, cette initiative était envisagée comme un mécanisme régional de transition après le retrait programmé des forces Onusienne (MONUSCO), permettant ainsi d’assurer la continuité des efforts de stabilisation dans l’Est de la RDC. La résolution de l’ONU de 2020, qui renouvelait le mandat de la MONUSCO en RDC, soulignait les défis liés aux violations des droits de l’homme et à la prolifération des groupes armés dans l’est du Congo. Cette résolution reconnaissaient également la nécessité de mettre un terme à la menace posée par ces groupes armés et préconisait une approche régionale intégrée Le Conseil de sécurité recommandait ainsi une coordination renforcée entre l’EAC et un engagement politique fort de la part du gouvernement de la RDC, des États membres de la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC) et des États de la région des Grands Lacs L’objectif était de bâtir une paix durable en s’attaquant aux causes profondes du conflit et en favorisant une coopération régionale pour une solution pérenne.

LISEZ LA PREMIERE PARTIE: Les dessous des relations troubles entre la RDC et le Rwanda

L’EAC s’est développée très rapidement et a initié le processus de paix de Nairobi entre le gouvernement de la RDC et certains groupes armés. L’EAC a soutenu également le processus de médiation de Luanda entre le Rwanda et la RDC, mené par le président Joao Lourenco. La communauté de l’EAC voulait chercher à s’approprier les problèmes et les solutions de la RDC car elle considère que « la RDC n’a pas la capacité et la volonté politique de s’attaquer aux multiples groupes armés qui terrorisent l’Est du Congo ».

Après l’implication des forces l’EAC dans la crise de M23, le gouvernement congolais a expulsé ces forces régionales qu’il a considérées comme n’ayant pas la mission offensive contre les M23. Et pourtant l’objectif principal de l’EAC était de jouer le rôle comme forces d’interposition pour permettre le dialogue entre le gouvernement congolais et les rebelles de M23. La RDC a préféré conclure des nouveaux accords avec l’Afrique du Sud et certains États membres de la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC).

Les forces de la Mission de la Communauté de développement de l'Afrique australe en RCD connue (SAMIDRC) ont été impliquées sous le commandement de l’Afrique du Sud et sans consultation avec l’EAC oubliant que l’Est de la RDC est une zone d’échanges économiques mais aussi d’intérêts sécuritaires pour les membres de l’EAC. Cette décision de la RDC a immédiatement conclu un conflit entre l’EAC et la SADC.

Sur le plan politique, l’intervention de la SADC a, tout d’abord, constitué une humiliation pour l’EAC en s’imposant dans sa zone de domaine de compétence en matière de sécurité et échanges économiques, sans initier des efforts conjoints ni adopter une stratégie inclusive impliquant tous les acteurs régionaux. Deuxièmement, cette implication a entraîné une division au sein de l’EAC. La Tanzanie s’est retrouve dans une position délicate, tiraillée entre son appartenance à la fois à l’EAC et à la SADC. Finalement, elle a choisi de soutenir la SADC et s’opposer à l’EAC, motivée en partie par sa relation historique avec l’Afrique du Sud, forgée durant la lutte contre l’apartheid. De son côté, le Burundi a pris ses distances vis-à-vis de l’EAC, privilégiant des relations bilatérales avec la RCD et s’impliquant directement comme acteur belligérant dans la crise. Cette dynamique a contribué à fragmenter davantage la coopération régionale et à compliquer la gestion des tensions sécuritaires et diplomatiques en Afrique de l’Est.

Au point de vue sécuritaire, la SADC a envahi la zone sécuritaire de l’EAC sans des garanties préalables aux états membres de l’EAC. A l’arrivée de la force SAMDRC au Nord-Kivu, un des officiers supérieurs de l’intervention militaire de la SADC a annoncé que « leur mission était de combattre les rebelles de M23 et par après il y aura une deuxième mission ». Comme la RDC présentait la guerre avec le M23 comme une guerre contre le Rwanda, c’était sous-entendu que l’Afrique du Sud avait une mission de faire la guerre contre le Rwanda. Dans les affrontements qui ont conduit à la chute de la ville de Goma, les forces de SAMDRC ont été humiliées. Non seulement parce que sa mission principale de la SAMIDRC n’a pas été atteinte, mais aussi car sa deuxième mission inconnue n’était plus réalisable.

L’Afrique du Sud et ses rivalités avec le Rwanda

Après la prise de Goma par le groupe armé antigouvernemental M23, il y a eu des confrontations diplomatiques entre le Rwanda et l’Afrique du Sud. Le rôle de l’Afrique du Sud dans SAMIDRC, a entrainé des pertes de treize militaires et a exacerbe les tensions entre les deux pays. Mais ces tensions sont bien profondes que ce qui est relayé dans l’actualité. Du point de vue du Rwanda, les forces de SAMIDRC combattent aux côtés de l’armée congolaise, Burundaise, ainsi que plusieurs groupes armes locaux et étrangers, qui affichent ouvertement des intentions hostiles envers Kigali. Cette situation amène le Rwanda à percevoir la présence sud-africaine en RDC comme une menace directe pour sa sécurité. Pour l’Afrique du Sud, le Rwanda émerge comme une puissance militaire Africaine et à imposer une certaine influence militaire en Mozambique et en République Centrafricaine. Ceci arrache la position de l’Afrique du Sud comme un des trois pays plus puissants militairement en Afrique. L’Afrique du Sud est en RDC pour contenir l’influence des occidentaux en RDC et trouve que le Rwanda facilite l’extension d’influence des états unis en Afrique. La RDC est membre de la SADC et l’Afrique du Sud joue un soutien militaire à un autre état membre. L’Afrique du Sud a toujours des intérêts économiques surtout en matière d’énergies et secteur minier en RDC.

Les menaces de l’Afrique du Sud sur le Rwanda ne seront pas tolérées par certains membres de l’EAC. Cette dernière propose une voie politique pour éradiquer les causes lointaines de la crise. Sous les tensions entre le Rwanda et l’Afrique du Sud et les pressions de la RDC aux états membres de la SADC, la SADC cherche à contenir les tensions et revoir les stratégies de son intervention en RDC.

Internationalement, cette crise entre le Rwanda et l’Afrique du Sud pourra déterminer la position de la communauté internationale sur la rébellion du M23. La RDC avait déjà perdu une partie de son soutien en raison de sa décision de demander l’aide militaire de la Russie et l’implication des mercenaires roumains – une décision perçue avec suspicion par les diplomates occidentaux. En accusant le Rwanda de soutenir le M23, la RDC multiplie les actions de chercher le soutien de l’ONU et de pays puissants comme le Royaume-Uni, la France et les États-Unis. Le gouvernement congolais a initié les attaques violentes aux ambassades étrangères comme un système de les impliquer à s’allier à la cause contre le Rwanda et le M23. Ironiquement, les gouvernants congolais déclenchent des conflits qu’ils sont incapables de maîtriser, puis sollicitent l’aide des Occidentaux pour faire face à une violence qu’ils ont eux-mêmes initiée localement.  

La guerre contre le M23 est au départ lié aux revendications locales : il s’agit des droits humains, éradication de la politique de nier certains groupes sociaux leurs identités ethniques et politiques. Les débats au niveau international se focalisent au tour du soutien du Rwanda aux rebelles de M23 et préfèrent ne pas reconnaitre les revendications du M23. La seule raison est que si les interventions prioritisent les causes lointaines, la communauté internationale et la SADC seraient parties prenantes dans le nettoyage ethnique ou génocide en RDC. Cette crise implique aujourd’hui des multiples acteurs régionaux avec une superposition des motivations. Le remplacement des forces de EAC par celles de la SADC connue comme SAMIDRC a non seulement diviser les états membres de l’EAC mais a créé une rivalité d’accès aux zones d’influence entre ces deux organisations mais aussi présente une menace sécuritaire dans la région des grands lacs. Les tensions entre le Rwanda et l’Afrique du Sud auront des implications majeures sur les relations entre les membres des états de l’EAC et SADC et une rupture diplomatique sérieuse et potentiellement une guerre entre le Rwanda et l’Afrique du Sud. Cette crise pourra déterminer si les mécanismes régionaux en Afrique sont capables de résoudre les conflits sur le continent. En fin, malheureusement, ces conflits géostratégiques obscure causes lointaines de la crise mais aussi le besoin de privilégier une voie politique et de dialogue entre le gouvernement de Kinshasa et le M23. La très grande frustration pour les tutsi congolais et de voir l'Afrique du Sud se battre aux côtés des groupes armés locaux et étrangers pour leur priver le droit à la nationalité et à la vie. Ils se disent que si l’Afrique du Sud dans le passé a bénéficié de soutien des Africains dans lutte contre l’apartheid , ce pays devrait plutôt  combattre le génocide et la persécution ethnique en RDC.

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Alex Mvuka

Alex Mvuka Il est analyste politique sur la région des grands lacs et directeur du Centre de Recherches et d'Analyses sur la Région des Grands Lacs