Les dessous des relations troubles entre la RDC et le Rwanda
Dès le début de la crise du M23, plusieurs initiatives ont été mises en place pour tenter de trouver une solution par le biais des mécanismes régionaux. La Communauté des états de l’Afrique de l’Est (EAC) a été choisie pour jouer un rôle clé en mobilisant ses forces afin d’assurer la paix et de faciliter le dialogue entre Kinshasa et le M23. Par ailleurs, cette initiative était envisagée comme un mécanisme régional de transition après le retrait programmé des forces Onusienne (MONUSCO), permettant ainsi d’assurer la continuité des efforts de stabilisation dans l’Est.
PREMIERE PARTIE
Les rebelles congolais du M23 contrôlent, depuis ce mardi 28 janvier, la totalité de la ville de Goma, capitale de la province du Nord Kivu. Certains analystes se focalisent sur le M23 et le présumé soutien du Rwanda à cette rébellion, d’autres répondent aux évènements d’actualité autour de cette guerre et la pression diplomatique internationale contre le M23, en proposant notamment une voie de sortie politique à cette crise. Cette vision des choses est, non seulement réductrice, mais elle est aussi superficielle car ne donnant pas une compréhension inclusive et approfondie des superpositions des différentes revendications essentielles fondamentales et autres motivations des différents acteurs régionaux.
Dans cette analyse, nous démontrons les multiples niveaux d’intérêts, variés et parfois contradictoires, des acteurs impliqués dans ce conflit.
En examinant le contexte régional, l’article explore non seulement les causes immédiates des tensions entre le Rwanda et l’Afrique du Sud, mais met également en évidence la complexité des dynamiques géopolitiques qui en découlent. Il suggère que les divergences entre ces multiples parties prenantes constituent un obstacle majeur à la recherche de solutions durables aux défis auxquels fait face la République démocratique du Congo.
Le M23 et la politique d’identité à l’Est de la RDC : entre tensions ethniques et enjeux géopolitiques
La crise actuelle est avant tout une crise instrumentalisée par la politique identitaire. Le conflit autour du M23 en RDC est en grande partie le résultat des conséquences de l’échec de gouvernants congolais de réguler harmonieusement les relations sociales entre les communautés.
Plutôt que de promouvoir l’unité nationale et la cohésion sociale, les dirigeants ont instrumentalisé la politique identitaire à des fins de pouvoir et de contrôle. La RDC est marquée par un système politique dans lequel les acteurs étatiques sont non seulement incapables de prévenir la violence, mais en sont parfois les instigateurs.
LISEZ LA DEUXIEME PARTIE: Les dessous des relations troubles entre la RDC et le Rwanda: Les questions géostratégiques et géopolitiques
À l’Est du pays, la haine ethnique est souvent utilisée comme un levier mobilisateur des masses, servant de stratégie pour obtenir un soutien politique à l’échelle nationale. Cette dynamique perverse transforme l’identité ethnique en un facteur de division et en un outil de manipulation politique, rassemblant paradoxalement divers acteurs politiques autour d’un même discours exclusif et discriminatoire
L’histoire a montré que de telles stratégies peuvent avoir des conséquences désastreuses. À l’instar de l’Allemagne nazie, où Adolf Hitler avait réussi à mobiliser les masses en s’appuyant sur un discours de haine dirigé contre le peuple juif, une logique similaire est à l’œuvre à l’Est de la RDC. L’identité ethnique y est politisée au point de façonner les conflits en cours, exacerbant les tensions et nourrissant un cycle de violences sans fin.
L’un des aspects les plus alarmants de cette instrumentalisation est la contestation des droits de citoyenneté des locuteurs du kinyarwanda, en particulier des Tutsis congolais. Cette remise en cause de leur appartenance nationale alimente les frustrations et exacerbe les divisions, créant un terrain propice à l’instabilité et à la résurgence de groupes armés comme le M23.
Pour briser ce cercle vicieux, il est impératif que les dirigeants congolais et la communauté internationale s’engagent à promouvoir une gouvernance inclusive, fondée sur l’égalité des droits et le respect de toutes les communautés. La paix durable en RDC ne pourra être atteinte qu’en mettant un terme à l’exploitation politique de l’identité ethnique et en œuvrant pour une véritable réconciliation nationale.
La persécution des Tutsis congolais trouve ses racines dans cette politique identitaire de l'époque coloniale.
La période postcoloniale a renforcé cette politique discriminatoire. En conséquence, depuis les années 1960, divers acteurs étatiques et non-étatiques ont planifié des massacres contre les Tutsis et se sont livrés au pillage de leur bétail en toute impunité. Les événements politiques ultérieurs ont montré la discrimination flagrante à l'encontre des Tutsis congolais par les régimes successifs en RDC. La nationalité de ces communautés congolaises a toujours été mise en cause à travers une rhétorique de « nationalité douteuse ». Malgré la présence de leurs membres au sein des élites politiques et militaires, cela n’a en rien mis un terme aux persécutions dont elles sont victimes. Cette discrimination, loin de s’atténuer, a été alimentée et légitimée par de nombreuses communautés voisines à travers des discours de haine et de manipulations à visée politique.
En quelque sorte, la sociologie de conflit à l’Est de la RDC reflète l’idéologie raciale qui a conduit au génocide au Rwanda. La région de l’Est de la RDC n’a jamais accepté la victoire du Front Patriotique Rwandais (FPR) au Rwanda en 1994, la plupart des acteurs politiques et de la société civile dans cette partie du Congo n’ont jamais non plus accepté qu’il y ait eu un génocide contre les Tutsis au Rwanda.
Généralement la plupart des communautés de la région de l’Est de la RDC veulent des échanges économiques avec le Rwanda, mais ne veulent pas un Tutsi au pouvoir.
Les combattants du M23 sont avant tout des Congolais qui, à l’origine, avaient pour motivation la défense et le rétablissement des droits humains. Qu’ils bénéficient ou non du soutien des pays étrangers, cette question relève d’un autre débat. La majorité d’entre eux sont d’anciens réfugiés congolais, contraints à l’exil et progressivement exclus de leur propre pays, la RDC, au point de devenir des apatrides de fait. Ce qui surprend, c’est que l’attention de la communauté internationale se focalise principalement sur l’éventuel soutien du Rwanda, plutôt que sur les véritables causes du conflit. Peu de discussions portent sur les revendications qui poussent le M23 et l’AFC à s’opposer au régime de Kinshasa, laissant ainsi de côté les problèmes structurels qui alimentent la crise à l’Est du Congo..
L’implication du Burundi dans la guerre du M23
La motivation du Burundi découle d’une idéologie génocidaire régionale. Il est important de noter que deux événements tragiques au Burundi et Rwanda ont eu un impact négativement transformatif en RDC. Après les massacres au Burundi et l’assassinat du premier président Hutu démocratiquement élu, Melchior Ndadaye, en 1993, et le génocide contre les Tutsis au Rwanda en 1994, l’arrivée massive de hutus rwandais et Burundais dans les régions de l’Est de la RDC a ajouté à ce que l’on peut décrire comme une bipolarisation politique « bantou-nilotique » – un mythe utilisé par les dirigeants politique en RDC. Ce récit mythique, ancré dans les études racistes précoloniales, classait les non-Tutsis dans la catégorie des « Bantous » et les Tutsis dans la catégorie des « Nilotiques ». Étymologiquement, Bantou est un terme générique qui décrit un groupe de similitudes linguistiques en Afrique centrale et subsaharienne. Au fil du temps, le nom Bantou a été largement interprété à tort comme définissant une « race » de personnes, y compris les Hutus ou d’autres tribus non-tutsi de la RDC. Depuis lors, les discours de haine anti-Tutsis en RDC ont constamment pris des connotations génocidaires et régionales.
Par conséquent, l'idéologie véhiculée surtout par les acteurs du génocide au Rwanda en 1994 a reçu un appui énorme et consistant de la part des leaders politiques congolais. Ces derniers ont façonné et amplifié ce récit jusqu’à ce qu’il s’ancre dans l'imaginaire collectif congolais, au point d’être adopté par la population, la société civile et même certains leaders religieux. Cette idéologie a servi de fondement aux massacres systématiques de Tutsis congolais à différentes périodes au cours des trente dernières années. Des milliers d’autres ont été contraints à l’exil permanent, trouvant refuge dans les pays voisins ou ailleurs.
Dans cette guerre du M23, le Burundi a trois motivations. La première est cette alliance régionale ethnocentrique pour combattre ce qu’il juge comme l’expansion potentielle de dominance Tutsis dans la région. Deuxièmement, le Burundi traverse une crise économique profonde et il a été motivé par ses relations bilatérales autour des intérêts économiques notamment les contrats miniers. Troisièmement, le Burundi est impliqué dans la guerre du M23 car il craint que cette rébellion ne menace le régime du Conseil national pour la défense de la démocratie (CNDD) Forces pour la défense de la démocratie (FDD) CNDD-FDD.
Pour le Burundi, ses troupes en RDC pourraient contenir une menace sécuritaire potentielle contre lui. Sa logique est toujours dans cette supposition que les membres du M23 « sont des Tutsis et sont d’office des potentiels ennemis ». Cette dernière motivation peut être fondée maintenant dans le contexte que Burundi s’est engagé activement de combattre le M23.
Le gouvernement congolais et la guerre contre le Rwanda
La principale motivation de Kinshasa dans ce conflit est de mener, une guerre contre le Rwanda du président Paul Kagame. Après le génocide des tutsi au Rwanda, le très redoutable parti politique de Juvénal Habyarimana, Mouvement Révolutionnaire National pour le Développement (MRND), s'est réfugié au Zaïre (RDC aujourd’hui) où il a trouvé un terreau propice à sa survie et à sa réorganisation. La propagande et les sentiments anti-Tutsi, autrefois véhiculés par le MRND, semblent s’être enracinés dans une partie de la société congolaise et influencent désormais les discours politiques. De nombreux acteurs politiques congolais instrumentalisent ces ressentiments à des fins électoralistes, rivalisant pour démontrer leur hostilité envers le Rwanda, perçu avant tout comme un régime tutsi. Cette posture politique alimente une rhétorique nationaliste et contribue à exacerber les tensions régionales, rendant encore plus complexe la recherche de solutions durables à la crise qui secoue l’Est de la RDC.
L'idéologie anti-Rwanda est une arme tant pour le gouvernement que pour l'opposition politique. Pour survivre politiquement en RDC, il est impératif de le mettre au centre de sa philosophie et de son action politique. Tout acteur politique en RDC se doit de s'aligner sur cette idéologie, faute de quoi, il risque de perdre sa place et ses intérêts. Même les tutsi congolais, discriminés, ont fini par adopter cette excellente logique d'insulter d’autres tutsis pour pouvoir garder leurs places au sein des institutions officielles. Le seul programme politique qui a un terrain favorable c'est celui de la haine contre les Tutsis.
Les acteurs internationaux évitent de remettre en question cette pratique, de peur de compromettre leurs intérêts et leur influence en RDC. Par conséquent, lors de sa campagne électorale, le président Felix Tshisekedi a adopté comme stratégie la promesse de provoquer un changement de régime au Rwanda. Ce discours est devenu un outil de mobilisation puissant, rassemblant toutes les couches de la société congolaise : élites politico-militaires, classes sociales, acteurs religieux et autres groupes influents. Il constitue un levier fédérateur, une source de légitimité et de consensus dans un pays profondément divisé sur d'autres fronts. Pour les autorités de Kinshasa, la question du Rwanda en RDC est ainsi devenue une arme politique imparable, permettant de justifier les échecs internes et de détourner l’attention des véritables défis nationaux
La deuxième raison, pour le président Felix Tshisekedi, c’est une question de la pérennisation de son régime. Il considère que le président Rwanda, Paul Kagame, est un danger à la région et une menace aux autres pouvoirs inclus celui de Kinshasa. Que la pérennisation ou pas des pouvoirs de CNDD-FDD au Burundi et de l’UDPS en RDC dépendra du Rwanda. Il a instauré une sorte de peur dans la société congolaise basée sur l’idée que les institutions congolaises ont été infiltrées par les services rwandais de renseignements. Cette politique a conduit aux messages de haine, lynchages et cannibalisme. Dans une campagne de modifier la constitution, il avance des arguments selon lesquels que l’actuel constitution congolaise a été rédigé au Rwanda et par des Rwandais.
La troisième motivation est liée à l’économie de la guerre. Les conflits en RDC sont sources du lucre !. Il y’a un système "sophistiqué" d’anarchie et de la mauvaise gouvernance dont profitent les gouvernants. Une crise comme celle des M23 doit être souhaitable par le régime de Kinshasa. Donc plus le mouvement a un profile qui bouge les acteurs internationaux, plus c’est mieux pour détourner les fonds publics et faire des justifications des échecs politiques. La guerre aide à sortir facilement l'argent des caisses de l'état.
Le Rwanda et ses mesures préventives sécuritaires
Le M23 a établi sa base initiale a Sarambwe (entre les montagnes de Sabyinyo et Muhabura), où il s’est maintenu pendant quelques années. A cette époque, la RDC de Tshisekedi entretenait de bonnes relations diplomatiques avec le Rwanda, alors même que le M23 existait déjà et menait des attaques sporadiques. L’implication directe du Rwanda dans cette crise de M23 et son intérêt croissant pour la situation en RDC se sont manifestés après la signature des accords de coopération militaires entre Kinshasa et l’Ouganda, aboutissant à des opérations conjointes en Ituri et au Nord Kivu contre les groupes armés. Plus tard la grande motivation du Rwanda est devenue les menaces sécuritaires du régime du Front Patriotique Rwandais (FPR). C’est une question de la menace existentielle. C’est une guerre de sa survie considérant les discours menaçants et la résurgence des rebelles des FDRL. Le deuxième signe de la concrétisation de cette menace est l’implication des Sud-Africains pour soutenir le président congolais Felix Tshisekedi dans cette logique de changer le régime de Kigali.