L'insécurité chronique de certains États Africains fait la part belle aux intérêts économiques et stratégiques des grandes puissances : Cas de la RDC

En effet, pour maintenir leur influence sur la RDC et stopper net la pénétration chinoise, les occidentaux ont sorti leur outil de désintégration (des pays) contre ce géant de l'Afrique centrale. Cet outil n'est rien d'autre que la haine contre les Tutsis. C'est là "l'opium" ou le catalyseur de la désintégration des pays des grands-Lacs, voire au-delà. Elle mobilise la masse et provoque des soulèvements populaires dans les pays de la sous-région (Rwanda, Burundi et RDC) et leurs voisins directs ou indirects.

Par
Alex Mvuka
on
4.1.2024
Categorie:
La Region

Les grandes puissances profitent souvent de l’insécurité qui sévit dans certains pays africains.


Cette hypothèse peut se vérifier à travers quelques expériences ci-après, vécues en Afrique comme ailleurs dans le monde.

La Russie

Pour réduire l'influence de la Russie en Europe, l'OTAN a initié et exécuté deux projets à savoir : (i) l'expansion de l'Europe en intégrant plusieurs États de l'ex-URSS en Europe occidentale et (ii)  le profit de la chute de l'ancien président Yougoslave Josip Tito qui tenait l'unité et la cohésion des ethnies dans l'ex Yougoslavie.


Après la fin de l'autorité intégratrice de Tito, l'OTAN a lancé des actions qui ont conduit à la désintégration totale de la Yougoslavie. Mais celle-ci ne pouvait pas avoir lieu sans que les conditions favorables à l'éclatement des violences ethniques entre Albanais et Serbes soient créées.


La suite a été effectivement la balkanisation des états de l'Ex-Yougoslavie. Aujourd'hui, seul le Kossovo est encore à mi-chemin vers l'autonomisation totale. Cela dit, l'OTAN ne saurait en effet nier sa pleine responsabilité dans le génocide en ex-Yougoslavie, une tragédie qui a joué à son avantage dans ses ambitions d'intégrer la région dans la zone sous son influence.


La Libye

La résolution 1973 adoptée par le Conseil de sécurité des Nations unies et l'opération "Aube de l'Odyssée" qui s'en est suivie pour détruire Mouammar Kadhafi ne signifient pas nécessairement que les Occidentaux avaient une antipathie naturelle à l'égard de l'ancien dirigeant libyen.


Le concerné a plutôt été victime de la conviction que ses détracteurs avaient de sa capacité, d'une part, à s'opposer à tout projet visant la déstabilisation de son pays dont il avait déjà maintenu l'unité pendant trois décennies (1980-2011), et d'autre part, de ses diverses initiatives qui permettaient à la région du Sahel d'éviter le chaos qu'on observe aujourd'hui, en particulier au Mali et au Niger.


Et pour preuve. Son départ a été vécu par la Lybie et toute la région du Sahel comme une digue qui a cédé, et dont l'empileur du désastre s'évalue au nombre de groupes armés crées/ actifs dans la région et au nombre incalculable de migrants africains qui traversent le Maghreb pour rejoindre l'Europe et mourir en Méditerranée.


L'Iraq

L'intervention des États-Unis en Iraq a mis fin au règne du président Saddam Hussein. Initialement comprise comme une crise politique, elle s'est vite transformée en une sanglante crise religieuse opposant Shiites et Sunnites et s'est répandue, comme une tache d'huile, dans toute la région.


Mais pour y parvenir, il a fallu détruire les piliers qui soutenaient la stabilité du monde arabe, dont la Syrie. A cet effet, un mouvement connu sous le nom anglais "d'Arabe Spring" a été créé et a provoqué des soulèvements internes dans les pays arabes  contre Assad. De même, la guerre par procuration au Yémen, entre l'Iran et l'Arabie saoudite a été l'un des principaux phénomènes qui ont précipité l'unité de la région arabe dans une zone de turbulences dont le bout du tunnel reste encore très éloigné.


L'unité des Etats arabes étant perçue par l'Occident comme une menace stratégique pour ses intérêts, le recours aux moyens (stratégiques) susceptibles de déclencher des soulèvements populaires dans les pays concernés (Yémen et Syrie...) a été une astuce qui a fait preuve de son efficacité pour mettre à mal l'unité et la sécurité de la région.


Dès lors, les pays affaiblis n'ont plus d'autre choix que de tendre la main aux occidentaux qui, comme dans une aventure de « pompier pyromane » sont appelés à venir les « aider » à résoudre les problèmes sécuritaires (et leurs conséquences) dont ils sont pourtant à l'origine.


La RDC

La RDC n'est pas le seul pays connu pour ses immenses richesses en minerais. Il existe d'autres pays avec tant de richesse du sous-sol. Mais la particularité de RDC est que, au-delà des minerais, elle regorge d'autres immenses richesses qui continuent de susciter  la convoitise des grandes puissances. Notamment sa grande superficie, ses vastes étendues de terres arables et son inestimable réserve en hydrographie.


Autant dire que l'exploitation agricole du potentiel maximal de terres arables en RDC conduirait, par la loi de la concurrence, à l'entière destruction de l'économie agricole des pays occidentaux. Et ce, dans le contexte actuel où la question alimentaire s'impose comme un sujet stratégique dans les relations internationales. De ce fait, l'actuelle et la plus grande menace des intérêts occidentaux en RDC se révèle être l'affaiblissement croissant de leur influence économique (du point de vue de l'exploitation des terres et de l'eau) par les interventions conquérantes de la Chine. Il ne fait aucun doute que les prochaines nouvelles formes de guerres entre les États se soient livrées sur le terrain des conquêtes de l'eau et des espaces agricoles.


En effet, pour maintenir leur influence sur la RDC et stopper net la pénétration chinoise, les occidentaux ont sorti leur outil de désintégration (des pays) contre ce géant de l'Afrique centrale. Cet outil n'est rien d'autre que la haine contre les Tutsis. C'est là "l'opium" ou le catalyseur de la désintégration des pays des grands-Lacs, voire au-delà. Elle mobilise la masse et provoque des soulèvements populaires dans les pays de la sous-région (Rwanda, Burundi et RDC) et leurs voisins directs ou indirects. Ceci a été à la base de la création et de la prolifération des groupes armés avec comme conséquences, la déstabilisation des capacités résilientes des congolais. Dans cet ordre d'idées, on peut parier qu'un lien entre l'émergence/la prolifération des groupes armés en RDC et la présence de la mission des Nations-Unies (MONUSCO) n'est pas à écarter. Il faut rappeler que quand cette force onusienne est arrivée en RDC, le nombre des groupes armés se comptait au bout de doigts. Six au total. Mais depuis l'implantation de la mission onusienne de maintien de la paix dans ce pays si vaste avec une superficie de 2,345 millions km², les groupes armés se sont multipliés par centaines, jusqu'à plus de 250, et sont signalés, comme par contagion, sur toute l'étendue du territoire national. Ce qui est loin d'être un simple fait de coïncidence.


Cela dit, l'Occident ne permettra pas à la RDC d'être stable. La position actuelle des occidentaux sur le processus électoral en cours en RDC peut, dans le contexte actuel justifier leurs intérêts. Tant pis si les élections, jugées chaotiques par de nombreux observateurs, débouchent sur des affrontements entre acteurs politiques opposés et conduisent à des manifestations populaires qui seront nécessairement réprimées dans le sang par le régime en place. Pourvu que l'objectif de déstabilisation et de désintégration du pays soit atteint.


La seule solution viable pour la RDC serait une décolonisation mentale des citoyens congolais, une prise de conscience collective, une sortie totale de l'idéologie identitaire et meurtrière et un rejet total des manipulations politiciennes basées sur l'appartenance ethnique.


La haine à l'égard des Tutsis est clairement une arme d'autodestruction massive. Car, lorsque les victimes et cibles actuelles seront exterminées, les bourreaux du moment seront victimes, à leur tour, d'autres ethnies plus puissantes. Un cercle vicieux sera ainsi déclenché et au finish, les ethnies majoritaires exerceront leur tyrannie sur les minorités. Un phénomène déjà observé dans de nombreux autres pays africains qui ont fait du panafricanisme et du néo-souverainisme africain, de vœux pieux.

Tags:
Alex Mvuka

Doctorant en Sciences Politique et Relations Internationales, Université de Kent. Il est analyste politique sur la région des grands lacs et directeur du Centre de Recherches et d’Analyses sur la Région des Grands Lacs