Quelles leçons peut-on tirer de la corruption endémique au Burundi ?: Une lecture importante pour le président Ndayishimiye et son super ministre Ndirakobuca
La corruption au Burundi est systémique. Il est utilisé par le principal parti politique actuel – le Conseil national pour la défense de la démocratie – Forces pour la défense de la démocratie (CNDD-FDD) – comme moyen de maintenir le pouvoir. Les pratiques de corruption persistent principalement en raison de contrôles insuffisants de la corruption, car les contrôleurs (les personnes chargées de surveiller la corruption aux niveaux national et local) reproduisent également la même dynamique de corruption sous surveillance.
Selon une recherche menée par Guillaume Nicaise, un chercheur au Centre de ressources anti-corruption U4, la corruption au Burundi est systémique. Pourtant, les programmes visant à soutenir l'intégrité et la bonne gouvernance sont minés par les relations au niveau local et les pratiques informelles des agents publics. Une enquête de cinq mois sur les collecteurs d'impôts au Burundi révèle la justification des comportements corrompus au niveau de la rue. Des réformes anti-corruption qui tiennent compte des pressions sociales et politiques pourraient montrer la voie à suivre.
Sur la base d'une recherche de terrain menée au Burundi, Guillaume Nicaise explore l'écart de mise en œuvre entre les politiques de bonne gouvernance et les pratiques informelles des employés publics de rue (collecteurs d'impôts, comptables locaux), pratiques qui incluent des problèmes de corruption ou de copinage parmi les proches et les membres de la communauté. À travers l'analyse de la corruption, son travail montre qu'il est possible de mieux comprendre les relations entre l'État et la société, le fonctionnement de l'État et l'importance des normes sociales dans le comportement des agents publics. De plus, une telle analyse sur la corruption peut remettre en cause le rôle de l'aide au développement, en particulier le soutien apporté aux programmes de bonne gouvernance et de décentralisation.
Rôle du parti au pouvoir
La corruption au Burundi est systémique. Il est utilisé par le principal parti politique actuel – le Conseil national pour la défense de la démocratie – Forces pour la défense de la démocratie (CNDD-FDD) – comme moyen de maintenir le pouvoir. Les pratiques de corruption persistent principalement en raison de contrôles insuffisants de la corruption, car les contrôleurs (les personnes chargées de surveiller la corruption aux niveaux national et local) reproduisent également la même dynamique de corruption sous surveillance. Il serait dangereux, pour des raisons que Guillaume Nicaise explique ci-dessous, que les contrôleurs sanctionnent des dirigeants locaux influents et bien plus commode de mettre en place des arrangements informels, ce qui à son tour génère plus de corruption.
L'emprise du CNDD-FDD sur le pouvoir et le grand risque pour les lanceurs d'alerte posés par leurs pairs et les services de sécurité génèrent ensemble une sorte d'immunité pour les agents publics et les dirigeants locaux liés au parti. En particulier, l'omniprésence du CNDD-FDD dans la prise de décision des fonctionnaires inhibe leur volonté de s'opposer aux pratiques de corruption. Les agents publics considèrent la loyauté aux règles sociales et au parti comme plus importante (ou plus sûre) que le respect des règles formelles.
Par exemple, lorsqu'on a demandé à un comptable au niveau de la commune (deuxième division administrative du Burundi) pourquoi il avait couvert les malversations de l'administrateur communal, la réponse est sans surprise: « il était trop risqué de s'opposer à l'administrateur, dont l'influence et le soutien du parti quiconque a essayé de dénoncer cette situation ».
Réseaux sociaux versus règles formelles
Le faible niveau de confiance des citoyens burundais en l'État les encourage à accepter et tolérer la corruption face à l'autorité. Comme le gouvernement a été et est toujours discrédité par le public, la loyauté va plus à l'égard des réseaux sociaux que des institutions publiques.
Une exemple que le chercheur evoque et qui illustre cette dominance des réseaux sociaux est un cas concernant le marché local de Kiziguro, avec un éleveur de chèvres soudoyant un percepteur au lieu de payer des frais de marché pour la vente d'une chèvre. Une grande partie de la foule a soutenu l'auteur présumé lorsqu'il a déclaré publiquement : « Le vol dans ce pays n'est pas nouveau et ce n'est pas à Kiziguro que nous devrions commencer à sanctionner les personnes corrompues ».
Selon Guillaume Nicaise, cela illustre à quel point l'accès aux services publics et l'interaction avec les employés publics ne sont pas nécessairement motivés par des notions de droits et de privilèges formels. Au contraire, la constitution de réseaux avec les agents publics contribue à atténuer l'incertitude et à accéder aux services publics. En conséquence, les règles formelles sont socialement ancrées. Cela signifie que les agents publics utilisent leur inclusion sociale (leur identité ou leur statut) et leur autorité formelle pour accomplir leur devoir et gagner de l'argent grâce à leurs prérogatives.
Selon toujours ce chercheur, la petite corruption est très déterminée par les conditions socio-économiques. Par exemple, les salaires des percepteurs sont si bas qu'ils soutiennent qu'ils n'ont d'autre choix que de mépriser les règles pour survivre. Outre cette logique économique, certaines pratiques informelles sont soutenues par des jeux de pouvoir. Par exemple, un inspecteur au niveau provincial a signalé un détournement de fonds par un administrateur local. Pourtant, l'administrateur local a été nommé nouveau gouverneur et chef de l'inspection provinciale ; il a rapidement réprimé toute contestation de son intégrité en dissimulant le rapport et en menaçant la famille de l'inspecteur.
Ce chercheur soutient que les liens de solidarité entre les agents publics sont un autre facteur clé favorisant les pratiques de corruption. Les percepteurs d'impôts partageant les revenus informels entre les membres de l'équipe est un exemple de cas. D'autres entretiennent des liens sociaux entre les agents publics et leur communauté. Celles-ci mettent en évidence les différents types de légitimité derrière les pratiques de corruption.
Enquête sur l'application de l'impôt
Une tâche intéressante est alors d'essayer de comprendre comment cette recherche de gain privé est encadrée au niveau local par des normes sociales. La structure sociale offre des marges de manœuvre, mais aussi des contraintes par lesquelles les agents publics doivent suivre des pratiques et des liens de solidarité liés à leur environnement socio-professionnel. Une enquête sur l'application des impôts fournit une base pour mesurer l'écart entre les normes formelles de bonne gouvernance et les stratégies informelles développées par les fonctionnaires et agents locaux.
Au sein des communautés soutenues par un programme de bonne gouvernance dans la province de Cibitoke, des réformes ont tenté d'améliorer le processus de collecte des impôts. L'objectif était d'augmenter le budget municipal et d'améliorer les relations entre l'État et les citoyens.
L'une des approches consistait à remplacer les représentants des « collines » (représentants de la plus petite subdivision du Burundi, faisant d'eux les élus les plus bas et les plus proches de la population, représentant les quartiers urbains ou ruraux), considérés comme corrompus, collectionneurs de taxe professionnels. Malgré les modifications apportées aux cadres juridiques et administratifs existants, la petite corruption s'est poursuivie. Qui plus est, ces réformes ont simultanément réduit la volonté des représentants des collines de faciliter le recouvrement des impôts. Ils avaient maintenant moins d'intérêt à soutenir le système fiscal sans les gains supplémentaires qu'ils tiraient des pots-de-vin. En peu de temps, les recettes fiscales ont diminué à mesure que l'évasion fiscale augmentait.
Cette évasion fiscale était directement liée à la méfiance des contribuables envers les autorités locales, principalement parce que les représentants des collines n'étaient plus impliqués dans la collecte des impôts. Il était clair qu'ils avaient été ceux qui légitimaient la perception des impôts, enracinant le processus dans les liens sociaux. De plus, des jeux de pouvoir sont apparus entre les représentants de colline mécontents et nouvellement privés de leurs droits et les percepteurs professionnels, par exemple lorsque les représentants de colline ne facilitent pas les processus fiscaux ou n'assurent plus la sécurité des percepteurs (un travail qui peut être dangereux au Burundi).
En fin de compte, le programme de bonne gouvernance soutenant les réformes fiscales avait altéré un équilibre délicat sur le consentement fiscal, basé sur la légitimité des représentants de colline et l'économie informelle - elle-même soutenue par la petite corruption.
Une voie à suivre
Cette enquête souligne la complexité du transfert de normes de bonne gouvernance dans un environnement où les employés publics et les citoyens s'appuient sur une relation informelle patron-client pour faciliter l'accès aux services publics. Les programmes qui visent à transférer les normes de bonne gouvernance doivent tenir compte de la manière dont les règles formelles sont intégrées dans les pratiques informelles.
Le comportement corrompu est un phénomène social – loin de sa définition formelle, qui fait généralement référence uniquement aux gains privés et non au conditionnement social. Pourtant, reconnaître cela pourrait conduire à ce que Jackson et Köbis appellent des « points d'entrée pour l'intervention », dans lesquels des réformes anti-corruption plus pertinentes et localisées sont envisagées, celles dans lesquelles les pressions sociales et politiques sont abordées. Par exemple, la méthodologie de Bicchieri est utile pour identifier et évaluer la justification des comportements, en examinant les attentes empiriques et normatives des personnes au sein d'un groupe social. Cela peut à son tour être utile pour mesurer et modifier l'influence des normes sociales et leur soutien aux pratiques de corruption.
Des leçons pour le président Ndayishimiye et le Super Ministre Ndirakobuca
Si le président et son super ministre qui semblent faire plus de bruit sur la corruption (même si leurs actions ne se marient pas avec leur discours) veulent vraiment éradiquer ce cancer qui phagocyte le Burundi depuis très longtemps, ils doivent suivre des faits et des recherches comme celle-ci et doivent demander l'avis d'experts de personnes comme Guillaume Nicaise qui semblent avoir fait le travail académique visant à comprendre les dynamiques de la corruption au Burundi.