Chasse aux corrompus : les gros poissons passent à travers les mailles du filet judiciaire

Il y a en effet quelques semaines, le chef de l'Etat burundais a limogé Christian Kwizera, haut cadre au ministère des finances, pour avoir débusqué sur son compte bancaire personnel, et parallèlement celui de sa concubine, une bagatelle de plusieurs milliards de francs burundais (BIF). Argent public détourné, cela va sans dire. Mais, Christian est toujours libre. Sa concubine aussi. Dans ce dossier d'une flagrance qui crève les yeux, quelqu'un d'en-haut a sans doute cloué le bec à ceux qui, bernés par le discours officiel s'emballaient deja et voyaient une nouvelle ère

Par
Burundi Daily
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9.4.2021
Categorie:
Gouvernance

Soupçonné, depuis belle lurette, de trafic de drogue, corruption aggravée et clientélisme, l'homme d'affaire burundais Prosper Hakizimana, alias Gisiga, patron de Pona pharmaceutical, aurait passé sa première nuit à la prison centrale de Mpimba, selon plusieurs médias et militants anti-corruption.

Cet homme d'affaires controversé qui, comme beaucoup d'autres dans les rangs du parti au pouvoir (CNDD-FDD), surfait sur les vagues de succès du temps de la présidence de feu Pierre Nkurunziza. Le voilà aujourd'hui dans le viseur judiciaire.

Et c'est comme une loi des séries sur le terrain de la corruption et autres affaires de l'ombre. Arrestations en cascade.

Il y a en effet quelques semaines, le chef de l'Etat burundais a limogé Christian Kwizera, haut cadre au ministère des finances, pour avoir débusqué sur son compte bancaire personnel, et parallèlement celui de sa concubine, une bagatelle de plusieurs milliards de francs burundais (BIF). Argent public détourné, cela va sans dire.

Mais curieusement, Christian est toujours libre. Sa concubine aussi. Dans ce dossier d'une flagrance qui crève les yeux, quelqu'un d'en-haut a sans doute cloué le bec à ceux qui, bernés par le discours officiel et quelques faits et gestes, s'emballaient déjà et entrevoyaient une nouvelle ère.

« Les enquêtes sont toujours en cours et en attendant Christian est présumé innocent », a déclaré le week-end dernier, en conférence publique, l'honorable Evelyne Butoyi, nouvelle porte-parole du chef de l'Etat burundais. Prosper devrait aussi retrouver sa liberté sans délai.

Mais nul n'est dupe, pour peu qu'on connaisse le contexte burundais, Christian Kwizera ou Prosper Hakizimana n'agit que par procuration et ils sont loin d'être les seuls.

En réalité, ces « commissionnaires » ne font que porter les bagages d'autrui. C'est sur ce dernier que la justice devrait audacieusement porter son curseur. Mais osera-t-elle ? Rien n'est moins sûr et c'est là que le bât blesse.

Au Burundi, les ressorts de la corruption qui entrave le pays campent dans les hautes sphères de l'Etat et le Président Evariste Ndayishimiye le sait mieux que quiconque. Les quelques arrestations ou destitutions relèvent du cosmétique pour impressionner l'opinion.

Tant que la justice sera aux ordres, tant que les corrompus renforcent leur citadelle et tiennent les manettes du système, rien ne bougera.

En la matière, le gouvernement burundais a d'ailleurs reconnu son échec en dissolvant les institutions chargées de lutter contre ce fléau.

« En vue de décentraliser les institutions judiciaires anti-corruption auprès de la population, les attributions de la Cour spéciale anti-corruption sont désormais placées au sein des parquets généraux et les Cours d'appels », a déclaré Prosper Ntahorwamiye, porte-parole du gouvernement, à l'issue d'une réunion du Conseil des ministres du 10 décembre 2020.

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