Et si la Belgique avait colonisé le Burundi? (Première Partie)

Je pose cette question qui vaut son pesant d’or, pour laisser les imaginations fertiles filer bon train. Après avoir trituré vos neurones, caressé divers scénarios aussi vraisemblables les uns que les autres, envisagé même les plus invraisemblables, votre esprit sera inondé par maints propos distillés au cours des années par une lignée de journalistes praticiens des stéréotypes, spécialistes de répétitions globalisantes ou fervents adeptes de faciles raccourcis.

Réflexion d'Ambassadeur Tharcisse Ntakibirora

Je pose cette question qui vaut son pesant d’or, pour laisser les imaginations fertiles filer bon train. Après avoir trituré vos neurones, caressé divers scénarios aussi vraisemblables les uns que les autres, envisagé même les plus invraisemblables, votre esprit sera inondé par maints propos distillés au cours des années par une lignée de journalistes praticiens des stéréotypes, spécialistes de répétitions globalisantes ou fervents adeptes de faciles raccourcis.

En bref, les médias nous ont fait accroire que tous les peuples noirs d’Afrique ont invariablement subi esclavage, asservissement et colonisation par les Blancs. Vous vous souviendrez de certains discours de nos propres Chefs d’État, censés être toujours préparés avec le plus grand soin, faisant allusion au « passé colonial » du Burundi et vilipendant les « colonisateurs » pour les divers malheurs qui ont assailli le Burundi y compris pour nos propres bêtises. Vous reviendrez de la stratosphère pour atterrir sur l’évidence que la Belgique n’a jamais colonisé le Burundi. Ses agents se sont-ils parfois comportés comme de vilains colons ? Je n’en disconviens pas. Le contraire aurait été plus qu’étonnant. Mais ce faisant, agissaient-ils ainsi sur instructions de leur gouvernement ? Cela n’est pas établi.


De ce fait, il n’est pas approprié de clamer que la Belgique en tant qu’État s’est transformée en colonisateur du Burundi. Moi je répète très fièrement à mes interlocuteurs depuis bientôt quarante ans que l’Afrique compte seulement trois pays (3) qui n’ont jamais été colonisés : le Burundi, le Rwanda et l’Éthiopie. Ces nations ont certes entretenu des rapports administratifs mouvementés, parfois houleux, respectivement avec la Belgique en ce qui concerne le Rwanda et le Burundi et avec l’Italie pour le cas de l’Éthiopie. Mais elles n’ont jamais été subjuguées par le moindre lien de colonisation. Permettez-moi de concentrer mon propos sur le cas du Burundi.

De 1885 à 1903, les Allemands ont tenté, en vain, de plier le Burundi sous leur giron. Leur laborieuse tentative d’asservir ce pays n’a jamais abouti. Elle est restée juste cela : une âpre mais infructueuse tentative de colonisation. Les troupes allemandes se sont heurtées à la farouche résistance et à la lutte héroïque des troupes du Mwami Mwezi IV Gisabo (1850-1908) mobilisées contre leur installation en terre du Burundi, qui leur ont infligé de cuisants échecs. L’armée royale a déployé flèches, lances et une savante stratégie du terrain et de la langue pour freiner les ardeurs des forces allemandes équipées pourtant de mousquets à charge unique, puis de mitraillettes et de mortiers particulièrement dévastateurs. Les assauts des troupes des Commandants Werner Von Grawert et puis de Robert Von Beringe ont failli mettre à genoux le Roi Mwezi Gisabo.

Ambassadeur Tharcisse Ntakibirora

Rien n’y fit. Les allemands durent se rendre à l’évidence que les Barundi étaient un peuple spécial, nanti de structures de gestion territoriale et d’administration sociale solides, et dirigé un peu comme, et à certains égards mieux que plusieurs monarchies de l’Europe médiévale. Il ne fallait donc pas cultiver la chimère de les coloniser, mais plutôt établir un partenariat pour un avenir qui serait mutuellement avantageux. C’était la seule façon honorable de mettre fin à l’affreuse guerre contre les troupes du monarque burundais, et de s’installer durablement dans cette partie encore non exploitée de l’Afrique.

Les Allemands n’auraient probablement jamais réussi leur grand plan, s’ils n’avaient pas exploité les dissidences internes et rébellions d’une dizaine de princes contre le Roi Mwezi IV Gisabo, avec en tête les princes Kirima et Maconco. Cette stratégie allemande de diviser pour mieux régner fût gagnante pour eux. Le Roi s’est plié aux suppliques des Princes Ntarugera et Rugema, ses fils restés fidèles, pour signer le Traité de Protectorat à Kiganda (actuelle province Muramvya) le 6 juin 1903. Par cet accord, le Roi a volontairement accédé au cessez-le-feu, épargnant ainsi des vies parmi ses vaillants sujets, sans concéder son autorité sur le Burundi. Cet « Accord de protection » et non de colonisation a été le premier acte de diplomatie entre l’Empereur Guillaume II d’Allemagne et un Roi africain, reconnaissant que son pays n’était pas à coloniser.

Car pour coloniser un territoire, nul besoin d’enregistrer des signatures de plénipotentiaires. Le plus fort prend, le faible s’agenouille et s’exécute. L’arrangement visait à « protéger » le Burundi contre les Anglais, Belges, Français et Portugais qui écumaient le continent à la recherche de terres à exploiter et d’esclaves à exporter vers les Antilles et les Amériques. Certes, l’Accord a mis fin à la suprématie du Roi du Burundi sur l’entièreté du pays du fait qu’il a octroyé les territoires de Bukeye et de Muramvya respectivement aux Princes Kirima et Maconco, qui devaient se rapporter aux seuls allemands et non au Roi du Burundi. Cela représentait moins de 1% du territoire national. Cette situation a placé le Burundi en virtuel démembrement qui ne perdurera pas aux Princes dissidents. Cela étant, je souligne que les Princes Kirima et Maconco n’avaient pas consulté leurs sujets avant de brûler la politesse au Roi du Burundi, et de le trahir pour satisfaire leurs uniques intérêts.

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