Face à une grave pénurie de liquidités, le Burundi cherche partout pour faire des économies
La situation est désastreuse. Le Burundi est à court d'argent. Le nouveau gouvernement le sait et la panique s'installe progressivement.
Doublement frappé par une crise socio-politique auto-infligée et la crise de la covi-19 qui ravage le monde, le nouveau régime du Burundi est confronté à une grave pénurie de liquidités et s'efforce désormais de faire des économies partout où il le peut et par tous les moyens.
L'Office burundaise des revenus internes pointe ses canons dans tous les coins et envoie des lettres de menaces à peine voilées aux quelques commerçants qui restent au pays, leur demandant de payer les taxes sans cesse sous peine de faire face à la colère du régime.
Le régime pense pouvoir aussi faire des économies, en réévaluant sa fonction publique déjà gonflée. Un nouveau recensement qui vise à dénombrer toutes les fonctionnaires vient d'avoir lieu au Burundi. L'objectif selon un haut fonctionnaire du ministère des Finances est d'essayer d'extirper les employés fictifs, une pratique liée à la corruption endémique qui sévit dans le pays depuis des décennies. Pour créer un flux de revenus non officiels et s'enrichir rapidement, certains gestionnaires au sein des départements de l'État créent des employés fictifs et drainent les fonds des caisses de l'État.
Il n’est pas évident à quel point cette pratique est répandue. D’où la justification d’un recensement de tous les fonctionnaires.
Le même haut fonctionnaire dit que le régime profitera de cet exercice de comptage des employés de l'Etat pour savoir combien de tutsis il a sur ses listes de paie. Cela aidera le régime à planifier les départs à la retraite des tutsis employés par l'État pendant un certain temps et à les remplacer exclusivement par des hutus pour créer ce qu'il considère comme un équilibre ethnique légitime. Cela signifie qu'au moins 80% des employés de l'État doivent être des hutus pour refléter au sein du fonctionnariat de l’Etat leur part de la population du pays.
Ce comptage ethnique a été condamnée par les organisations de droits humains qui y voient un risque de raviver les tensions ethniques qui déchirent le pays depuis son indépendance.
La crise de 2015 a décimé l'économie
Les ramifications de la crise provoquée par le forçage de Pierre Nkurunziza pour un 3eme mandat ont été dévastatrices pour l'économie burundaise. Le pays est devenu peu sûr et cela a eu un impact sur le nombre de burundais de la diaspora qui retournent au pays en vacances. Les étrangers qui avaient l'habitude de passer leurs vacances au Burundi ont aussi cessé d’y aller et les investisseurs locaux ont fui le pays, fermant et abandonnant leur entreprise.
Le manque de devises étrangères dont dépend le pays est si grave que le Burundi dispose désormais de moins d'une semaine de devises dont il a besoin pour importer les produits vitaux dont le pays requiert pour rester debout. Une réserve beaucoup moins inferieure à une réserve de deux mois, mandatée par la Communauté de l'Afrique de l'Est dont le Burundi est membre.
La dégradation de l'économie a abouti à une pauvreté généralisée qui a conduit le Burundi à être déclaré cette année le pays le plus pauvre du monde.
Saignant sur tous les fronts, le Burundi semble faire tout ce qu'il peut pour éviter une hémorragie qui risque d'entraîner une dévastation totale de l'économie et potentiellement une faillite.
De manière surprenante, la rhétorique politique ne semble pas projeter l'urgence nécessaire pour sauver une économie qui largement dépend de l'aide extérieure depuis l’indépendance du pays. Au lieu de projeter une rhétorique conciliatrice, le nouveau régime des durs du système a doublé leur radicalisme et leur belligérance.
Ils attaquent régulièrement les donateurs traditionnels du Burundi et ne semblent pas pressés de réparer les relations diplomatiques tendues pour permettre un flux d'aide dont le pays a tant besoin.
Les amis sur lesquels le Burundi s'est replié depuis 2015, à savoir la Russie, la Chine, la Turquie et l'Égypte, semblent avoir fourni peu ou pas d'aide économique. Il est vrai que ces nouveaux amis ont fourni une couverture politique et diplomatique dont le régime du CNDD-FDD avait besoin, mais même ce soutien ne semble pas avoir fait grand-chose pour empêcher l'ONU de nommer une commission dont la tâche est d'enquêter sur les crimes que le régime commet depuis 2015.
Plus inquiétant encore, seuls deux pays africains (la Somalie et le Togo) étaient prêts à mettre leur réputation en jeu pour soutenir le Burundi en votant contre la prorogation du mandat de la Commission des Nations Unies d’enquêtes sur le Burundi.
On dirait que même la Tanzanie, réputée très proche de l'élite dirigeante au Burundi, ne semble pas vouloir mettre sa réputation en ruine en fournissant une couverture diplomatique au régime burundais. Tous les autres pays africains se sont abstenus lors du récent vote de l'ONU qui visait à prolonger le mandat de la commission d'enquête sur le Burundi. Son mandat a été prolongé sans difficulté malgré l'opposition du Burundi.
Il faut dire que la rhétorique belliqueuse de l'élite au pouvoir ne facilite pas la tâche aux pays africains qui seraient normalement disposés à les défendre sur la scène internationale. Le langage grossier et la nature caustique de la posture diplomatique qu'ils ont adoptée sont si toxiques que très peu de pays (qui dépendent eux-mêmes de l'aide) sont prêts à fournir un soutien diplomatique ouvertement.
Alors qu'il y avait un peu plus d'espoir que le Burundi allait revenir à une certaine semi-normalité dans la perspective de l'investiture d'Evariste Ndayishimiye, celui-ci semble avoir adopté une ligne plus dure que son prédécesseur Pierre Nkurunziza. Le régime s'isole davantage et semble vouloir se battre avec tout le monde.
Certains observateurs pensent que le discours radical adopté est destiné à la consommation nationale et vise à galvaniser le soutien des membres de la majorité ethnique hutue. En effet, un haut fonctionnaire du ministère des Affaires étrangères semble le confirmer. Il confirme que lors de réunions privées avec des diplomates étrangers, les officiels sont plus sobres.
Certains reconnaissent les difficultés politiques auxquelles le régime est confronté pour justifier pourquoi l'ouverture et l'assouplissement ne sont pas une possibilité pour le moment. S’aligner sur la ligne belliqueuse devient impératif même pour des diplomates expérimentés qui aimeraient projeter un discours plus ou moins nuancé et diplomatique.
La situation est compliquée par le fait que le nouveau s'est entouré des personnages les plus toxiques du parti au pouvoir. Alain Guillaume Bunyoni, son Premier ministre et le ministre de l'Intérieur font toujours l'objet de sanctions internationales pour les crimes qu'ils ont commis pendant la crise de 2015 et les années qui ont suivi.
Le fait que le Premier ministre soit l'une des élites dirigeantes les plus connues comme corrompues et qui se sont excessivement enrichies au-delà des maigres rémunérations financières que leurs emplois dans l'État leur procurent complique encore les choses davantage. Il est censé être en charge de superviser l'action du gouvernement. Les donateurs étrangers hésiteront à donner d'énormes sommes d'argent à un gouvernement dirigé par un homme bien connu comme un corrompu.
C'est pour cette raison que la plupart d’observateurs pensent que la déposition des déclarations des avoirs devant la cour suprême requise pour les ministres a été rejetée par le président qui, selon certains, était confronté à une menace manifeste s'il insistait sur cette mesure. Cela sans doute érodera davantage la confiance des donateurs étrangers.
En incorporant tous les plus extrémistes et durs du régime au sein de son nouveau gouvernement, Evariste Ndayishimiye semble s'être tiré une balle dans le pied et dans le processus condamnant le Burundi à plus de misère et de pauvreté.