La guerre des grands se poursuit au CNDD-FDD : Evariste Ndayishimiye et le chef du parti Révérien Ndikuriyo sont à couteaux tirés

L'heure est donc grave et les tractations se poursuivent. Le chef de l'Etat, Evariste Ndayishimiye et le chef du parti Révérien Ndikuriyo sont à couteaux tirés. Le premier veut peser de tout son poids dans la balance pour éjecter le second. Mais ce dernier s'accroche à sa popularité, notamment au sein des Imbonerakure qu'il encadre et dont il encourage la violence.

Par
on
6.2.2024
Categorie:
Politique

Le suspense est à son comble dans la haute sphère du régime CNDD-FDD. Les grosses pointures du parti jouent des coudes pour piloter le parti et maximiser chacun leurs chances pour la présidentielle de 2027.

Comme l'on sait déjà, la présidence du parti est un tremplin incontesté pour le prochain présidentiable dans les rangs du parti de l'aigle. Les combats sont rudes, selon des sources proches du parti.

Et pour preuve. Un congrès national initialement convoqué pour  le 28 janvier 2024 à Gitega a été annulé in extremis. Pourtant, le CNDD-FDD avait lancé des invitations pour assister à cette grand-messe. Le congrès devait se tenir juste après la croisade de prières organisée par le parti de l'aigle.

Certains organismes onusiens, en l'occurrence le service chargé de la consolidation de la paix, ont reçu l'invitation tard dans la nuit du 27 au 28 janvier. Mais au finish, le congrès n'a pas eu lieu. En lieu et place du congrès annoncé, le parti a organisé une réunion du Conseil des sages, le jour du congrès. Selon des analystes avisés, les caciques du parti ne se seraient pas encore accordés sur les conclusions du congrès avant sa tenue.

Car selon la coutume au sein du CNDD-FDD, chaque congrès décisif en termes de pilotage du parti est précédé par un accord interne au sein du conseil des sages sur les principales décisions que les congressistes doivent acclamer sans aucun débat contradictoire.

L'heure est donc grave et les tractations se poursuivent. Le chef de l'Etat, Evariste Ndayishimiye et le chef du parti Révérien Ndikuriyo sont à couteaux tirés. Le premier veut peser de tout son poids dans la balance pour éjecter le second. Mais ce dernier s'accroche à sa popularité, notamment au sein des Imbonerakure qu'il encadre et dont il encourage la violence.

Pour rappel, le Conseil des sages du CNDD-FDD, présidé par le chef de l'Etat, Evariste Ndayishimiye, est composé de cinq membres dont Révérien Ndikuriyo, Secrétaire général du parti au pouvoir et Daniel Gélase Ndabirabe, l'actuel président de l'Assemblée Nationale.

Pourtant, le congrès avait été annoncé depuis belle lurette. Ce congrès devrait clôturer une prière œcuménique organisée du 25 au 27 à Gitega. Le CNDD-FDD avait même lancé, une semaine plus tôt, un communiqué dans toutes les communes pour appeler les militants à apporter des contributions de fonds qui devraient être utilisés pendant le congrès national.

« Il vous est demandé de donner des offrandes considérablement car ce sont des compétitions. Le classement des provinces sera lu pendant la prière organisée du 25 au 27 janvier 2024 à Gitega», ordonnait le texte.

Visiblement, l'avenir du parti au pouvoir est incertain selon des analystes car des bras de fers entre les hautes autorités sur la situation actuelle du pays ne sont pas négligeables : Des discours et prises de décisions contradictoires, des millions de dollars encaissé par les uns sur la mission TAFOC en RDC pour ne relever que cela.

Selon des indiscrétions internes, Evariste Ndayishimiye peine à trouver suffisamment d'alliés pour éjecter Révérien Ndikuriyo. C'est de bonne guerre donc.

Si Ndayishimiye pensait pouvoir facilement prendre davantage de contrôle sur le parti au pouvoir après avoir emprisonné son plus grand rival, à savoir son ancien premier ministre, Alain-Guillaume Bunyoni, il se retrouve face à un redoutable adversaire en la personne de l'actuel secrétaire général Révérien Ndikuriyo.

Ce dernier a construit un réseau de commandement parallèle au sein de l'aile de la jeunesse du parti. C'est en effet sur ce réseau qu'il contrôle le parti d'une main de fer. Ce commandement échappe également au président Evariste Ndayishimiye, créant ainsi un angle mort dans sa stratégie de contrôle total du parti.

En septembre 2023, Ndayishimiye avait réussi à apporter des changements au sein du bureau du parti au pouvoir en se débarrassant de Nancy Mutoni, Lazare Mvuyekure et Godelieve Nininahazwe qu'il considérait comme de solides alliés de Ndikuriyo. A leur places, il a nommé Doriane Munezero, Denis Karera et Calinie Mbarushimana comme secrétaires nationaux, dans le but d'émousser l'influence de Révérien Ndikuiriyo sur l'appareil du parti.

Depuis lors, et surtout après l'emprisonnement du général Bunyoni, des membres influents du CNDD-FDD accusent Ndayishimiye de déstabiliser le parti en mettant à l'écart des hommes d'affaires, des hommes politiques et des cadres militaires influents pour prendre le contrôle total du parti et en rester le seul décideur, consolidant ainsi en retour son pouvoir et chances pour un second mandat en 2027.

Tous ceux qui suivent cette guerre interne au parti de l'aigle déjà remarqué que les relations du président avec le premier ministre, le général Gervais Ndirakobuca, sont tendues. Autrefois homme très dynamique, dictatorial et un passe-partout qui avait les doigts dans tous les départements gouvernementaux, ce dernier s'est retiré, n'apparaissant publiquement que pour lancer des conférences et des rassemblements non essentiels. Les tensions entre les deux seraient au point d’ébullition.

C'est dans ce contexte de tensions croissantes que de nouvelles rumeurs de coup d’État ont recommencé à circuler. Si certains observateurs pensent qu'il s'agit peut-être d'une autre stratégie visant à se débarrasser des éléments génants, entre autre Révérien Ndikuriyo, il se pourrait aussi que, compte tenu du malaise actuellement palpable au sein de l'armée, ces rumeurs soient fondées.

Envoyer son armée en RDC pour combattre le M23 aux côtés de l'armée de la RDC et des FDLR pourrait être la plus grosse erreur stratégique d'Evariste Ndayishimiye. Il se dit que cette décision n’a pas fait l’unanimité au sein du petit cercle de généraux qui dirigent le pays. Cela peut expliquer pourquoi Ndayishimiye n’a pas demandé à l’Assemblée nationale l’autorisation de déployer l’armée nationale dans une guerre étrangère.

En plus de manquer d'objectifs stratégiques clairs pour le Burundi, le déploiement d'une armée qui n'a toujours pas retrouvé sa cohésion après les troubles de 2015, dans un conflit régional qui présente les mêmes complications ethniques qui affigent l'armée burundaise, a déjà commencé à créer un malaise général au sein de l'armée. Le risque que ce malaise explose en un conflit interne majeur qui pourrait conduire à un coup d’État est élevé.

De nombreux désertions des éléments de la Force de Défense Nationale du Burundi (FDNB) envoyés en RDC se signalent déjà. Cela crée un autre risque sécuritaire pour le Burundi puisque certains de ces éléments, en quête de survie, finiront par rejoindre les groupes rebelles qui pillulent à l'est de la RDC, dont le RED-TABARA, qui fait le plus peur à Gitega.

En essayant d’aider son ami Tshisekedi de la RDC, Ndayishimiye a peut-être créé une insécurité accrue pour son pays, et donc un danger aussi pour son régime.

Pire encore pour Ndayishimiye, l'exclusion de Ndikuriyo pourrait aggraver les relations entre le CNDD-FDD et les partis au pouvoir dans les pays voisins, notamment en Tanzanie où Révérien Ndikuriyo et le général Bunyoni entretiennent des liens forts. Pour les observateurs attentifs, il se remarque depuis l’arrestation du général Bunyoni, les relations entre le parti au pouvoir au Burundi et la Tanzanie se sont détériorées.

Si Evariste Ndayishimiye parvient à écarter Révérien Ndikuriyo, le parti au pouvoir risque de fissurer en deux ailes antagonistes : les pro Ndayishimiye et les pro Ndikuriyo, un scénario qui pourrait déboucher sur des hostilités pouvant degenerer en une crise socio-politique plus grave que celle de 2015.

Le temps nous dira si l'élite du parti de l'aigle s'accordera sur l'agenda du prochain congrès, et qui entre Evariste Ndayishimiye et Révérien Ndikuriyo remportera le bras de fer.

Tags: